Histoire du Franc de ses origines à sa disparition
1 - Différentes monnaies d'or, d'argent et de cuivre
circulaient en Gaule à la fin de l'Empire romain. Au temps des rois
mérovingiens, descendants de Clovis, ne subsiste guère que la
monnaie d'or, sou et surtout tiers de sou, appelé aussi triens ou
tremissis (à peine 1 g), imitations plus ou moins réussies des
pièces impériales romaines. Le triens d'or devient quasiment espèce
unique au début du VII siècle
- Du tiers de sou d'or au denier d'argent
- L'or provient principalement de la Méditerranée, en
particulier des monnaies de l'Empire byzantin. Mais vers 650, la
géographie économique et monétaire se modifie au profit du Nord d'où
viennent des monnaies d'argent anglo-saxonnes et frisonnes (des
Pays-Bas), les sceattas. En outre, l'or se fait plus rare et plus
cher après la chute de l'Afrique byzantine et la prise de Carthage.
Vers 675, le sou d'or est complété puis remplacé par une pièce
d'argent : le denier, du nom de l'ancienne monnaie romaine d'argent.
Douze deniers font un sou. Les pièces sont produites un peu partout
et revêtent de multiples aspects. Le contrôle des monnaies semble
échapper en grande partie au pouvoir royal mérovingien. Les réformes
monétaires byzantines et arabes, le succès des monnaies
anglo-frisonnes, l'exploitation de nouveaux gisements argentifères
et des circonstances politiques internes pérennisent l'adoption de
l'étalon argent sous l'égide d'une nouvelle dynastie royale : les
Carolingiens.
- Le denier d'argent, monnaie unique de l'Empire
carolingien
- Tandis qu'ils réunifient et étendent à leur profit le
royaume des Francs, Pépin le Bref (741-768) et son fils Charlemagne
(768-814) reprennent le contrôle de l'activité monétaire. Le pouvoir
royal sur la monnaie est réaffirmé par un ensemble de règlements et
de contrôles organisant sa fabrication et sa mise en circulation. En
754-755, l'édit de Ver est une première tentative d'uniformiser le
poids et l'aspect du denier d'argent franc. En réalité, la marque de
l'autorité royale ne figure systématiquement sur la monnaie qu'avec
Charlemagne en 793-794.
"Monnaie unique" de l'Empire carolingien, le nouveau denier au poids
unitaire d'environ 1,70 g est le modèle, direct ou indirect, du
monnayage occidental produit du IX au XIIIsiècle.
La réglementation carolingienne insiste sur la qualité de la
monnaie, et cherche à éviter la "fausse monnaie" (en fait, des
pièces de moindre qualité produites frauduleusement dans les
ateliers officiels), et la thésaurisation ou la transformation en
argenterie.
En prescrivant de tailler 240 deniers dans 1 livre d'argent,
Charlemagne jette les bases d'un système monétaire et comptable qui
persistera en France jusqu'à la Révolution : 1 livre = 20 sous ou
240 deniers ; 1 sou = 12 deniers. En outre est frappée une division
du denier, l'obole d'argent, qui correspond à sa moitié.
- Du denier carolingien aux deniers féodaux
- Principal agent administratif local, le comte
surveille et contrôle au nom du souverain l'activité monétaire dans
le royaume. Dans la seconde moitié
IX siècle, les usurpations des comtes se multiplient. Le
phénomène s'amplifie à la faveur des problèmes de succession au
trône, des conflits intérieurs, puis des raids sarrasins, vikings et
hongrois : le pouvoir royal perd peu à peu le contrôle effectif et
l'exclusivité de la frappe des deniers. Les comtes commencent
d'exercer les pouvoirs régaliens à leur propre profit. Par ailleurs,
le souverain concède une part des revenus d'un atelier, parfois sa
gestion, à des évêques ou des abbayes. La féodalisation du denier se
concrétise au X siècle
alors que les Robertiens, ancêtres des Capétiens, s'opposent aux
Carolingiens. L'aristocratie profite de l'occasion pour se rendre
plus indépendante. Le pouvoir affaibli multiplie les concessions
officielles, notamment en faveur d'ecclésiastiques. La monnaie est
désormais affaire de prélats, de ducs et de comtes, voire de
vicomtes, qui peuvent changer titre et poids à leur guise.
- Une multitude de monnaies
- Entre le XI et le XIII siècles, dans un contexte d'essor économique et commercial tant dans
les campagnes que dans les villes, une multitude de derniers féodaux
sont frappés régionalement, voire localement, par des seigneurs plus
ou moins importants. La monnaie du roi est devenue une monnaie parmi
d'autres. Du point de vue du seigneur émetteur, la monnaie constitue
une importante source de revenu, un moyen de financer son train de
vie et sa politique. Un profit est en effet réalisé sur la frappe de
chaque pièce : c'est le droit de seigneurage.
Pour augmenter ce revenu, le seigneur peut procéder à une mutation
de sa monnaie, c'est-à-dire modifier certaines conditions
d'émission : poids du denier, titre ou teneur en argent fin, cours
officiel. La pratique alors la plus courante dans le royaume de
France consiste à affaiblir la monnaie en titre de métal fin, une
préfiguration des dévaluations contemporaines. Elle engendre de
grandes disparités de valeur entre les différentes pièces en
circulation et concourt localement à une certaine instabilité
monétaire. Les élites féodales et les bourgeoisies urbaines
montantes protestent et négocient, obtenant de limiter ces mutations
à une seule par règne, ou la stabilisation de la monnaie en
contrepartie d'une taxe (monéage).
- Restauration de la monnaie du roi
- À la faveur des guerres, des mariages et des
héritages, Philippe Auguste (1180-1223) étend progressivement son
autorité, y compris dans le domaine de la monnaie. Le denier
"parisis", est d'abord diffusé dans le nord du royaume, puis à l'est
et quelque peu au sud. Après la conquête de la Normandie, de
l'Anjou, du Maine et de la Touraine (1204-1205), le roi impose une
nouvelle pièce : le denier "tournois". Cette politique volontariste
est poursuivie par Saint Louis (1226-1270) au seul profit du
tournois et au détriment des monnayages féodaux. À l'exemple des
cités italiennes qui frappent de "gros" deniers valant entre 20 et
30 deniers locaux, Louis IX crée un gros tournois, première monnaie
de bon argent produite en France, valant 12 deniers. Le gros
tournois rencontre un tel succès qu'il est frappé abondamment,
rapidement imité, notamment en Provence, et diffusé largement en
Italie. Dans le même temps est créé l'écu d'or, première monnaie
d'or capétienne. Mais il s'avère un échec commercial et est vite
abandonné. Saint Louis laisse à ses successeurs une monnaie
apparemment stable.
- Le roi de France prisonnier à Londres
- En 1355, le Prince Noir - prince de Galles, fils du
roi d'Angleterre Édouard III - débarque en Aquitaine et mène une
campagne dévastatrice en Languedoc. Jean le Bon convoque des états
généraux et obtient le financement de son armée en contrepartie
d'une meilleure monnaie. Mais il est fait prisonnier près de
Poitiers le 18 septembre 1356 et se retrouve détenu à Londres.
Réputé mauvais gestionnaire, le roi a failli dans sa mission suprême
de chevalier défenseur du royaume. C'est son fils Charles (futur
Charles V, "le Sage") qui assure la régence comme "lieutenant
général du roi" et poursuit la guerre. Mais le dauphin doit faire
face aux soldats démobilisés qui ravagent le pays, à la Jacquerie
qui secoue les campagnes, au soulèvement d'Étienne Marcel à Paris… À
peine a-t-il restauré son autorité dans la capitale qu'une armée
anglaise débarque à Calais. L'arrêt de la guerre devient
indispensable, sans parler de la libération du roi.
C'est à Brétigny, le 8 mai 1360, que Charles conclut la paix avec
Édouard III d'Angleterre. Outre d'importantes concessions
territoriales, le roi de France doit s'acquitter d'une rançon de 3
millions d'écus, soit 12,5 tonnes d'or. Libéré après un versement de
400 000 livres en écus, Jean le Bon débarque à Calais le 25 octobre
en laissant à Londres des otages parmi lesquels son frère et ses
trois fils. Ce versement est couvert par le mariage de sa fille
Isabelle avec Jean Visconti, fils de Galéas, potentat de Milan,
moyennant 600 000 livres. Restaient encore 2 600 000 livres à
verser…
- La création du franc à cheval
- Sur le chemin de Paris, Jean le Bon
signe trois ordonnances fiscales et monétaires à Compiègne le 5
décembre 1360. Il lève un impôt direct, le "fouage", sur chaque
foyer fiscal. En même temps, les derniers d'argent sont renforcés et
une nouvelle pièce d'or est créée : le franc à cheval, prescrit à 24
carats (or fin), au poids équivalant à 3,885 g, pour un cours de 20
sous tournois, c'est-à-dire 1 livre tournois, l'unité de compte. La
frappe des espèces blanches (argent) et noires (billon*)
débute quinze jours après l'ordonnance, celle des francs dès février
1361.
Le pouvoir donne des gages de stabilité, notamment en abandonnant
son seigneuriage, et se soucie d'un rapport fixe entre les métaux.
La nouvelle monnaie doit seule circuler dans tout le royaume, y
compris dans le Languedoc où avait été frappé au temps des troubles
un monnayage particulier. Royaume et monnaie sont de nouveau
réunifiés. Toutes les anciennes monnaies, françaises et étrangères,
les mauvaises en priorité, doivent être fondues. Le roi exprime
enfin la volonté d'établir un système de compte plus réaliste, fondé
sur une monnaie bonne et réelle, le franc, et de nature à évincer
les systèmes de compte fondés sur des monnaies concurrentes, le
florin italien en particulier. Mais devant l'ampleur et la longueur
de cette tâche, la circulation de certaines espèces reste tolérée.
- Un franc symbolique
- Cette nouvelle monnaie d'or est chargée de symboles.
C'est la première à porter le nom de "franc", qui évoque peut-être
une comparaison avec le noble, pièce d'or royale anglaise ("franc" =
noble), et fait aussi référence à la libération de Jean le Bon, qui
se proclama "franc" (= libre) à plusieurs reprises. Le franc
matérialise dans la population la libération, au moins pour un
temps, du fléau des mutations par la garantie de son pouvoir
d'achat. C'est enfin le symbole de la souveraineté restaurée après
une guerre dévastatrice contre l'Angleterre et de graves
soulèvements sociaux, notamment à Paris.
Le franc est donc la monnaie du roi libéré, de la paix rétablie, la
pièce qui symbolise le retour à la "bonne monnaie" : une monnaie
"forte" de la stabilité retrouvée. C'est la monnaie du redressement
amorcé et réalisé sous le gouvernement d'un roi "sage" et "bien
entouré" : Charles V.
- Le franc de Charles V : succès monétaire et stabilité
- Devenu roi en 1364, Charles V
fait frapper un franc à son nom, appelé officiellement denier d'or
aux fleurs de lis. Le souverain ne figure plus à cheval mais debout,
en armure sous un dais gothique, tenant les attributs royaux et orné
de fleurs de lis. Comme le titre, le poids et le cours sont les
mêmes que ceux du franc à cheval, les usagers le renomment sans
tarder franc "à pied". Le blanc "au K" (initiale de Karolus) valant
5 deniers, un denier parisis, un double, un denier et une obole
tournois plus tardive (1373) complètent un système monétaire fort
simple. Par comparaison avec la période des grandes mutations, le
règne de Charles le Sage offre moins de dix pièces différentes,
indice de stabilité. Si sa politique volontariste rencontre de
fortes résistances, notamment quant auxdécrisdes
anciennes pièces, la situation est totalement assainie à la fin de
son règne, vers 1380.
Bien que sa création en 1360 ait marqué une période
de redressement économique et politique de la France, le franc est
par la suite très peu émis sous l'Ancien Régime. Mais il demeure,
dans les esprits, le langage et le vocabulaire monétaire, ce qui
permet à la Convention d'en faire aisément l'unité monétaire de la
République.
- Disparition du franc d'or
- Le franc disparaît sous Charles VI (1380-1422),
remplacé par l'écu d'or à la couronne. La reprise de la guerre de
Cent Ans s'accompagne de désordres monétaires qui s'aggravent après
la défaire d'Azincourt en 1415. Quatre autorités frappent alors
concurremment la monnaie : le roi de France, le roi d'Angleterre,
notamment à Caen, le duc de Bourgogne, et le Dauphin réfugié à
Bourges.
La reconquête du royaume menée par Jeanne d'Arc permet à Charles VII
(1422-1461) de restaurer son autorité politique et monétaire. À
l'occasion d'une réévaluation, le roi frappe en 1423 un nouveau
"franc à cheval" avec la volonté d'un retour à la bonne monnaie.
Mais celui-ci cède une fois encore la place à l'écu d'or et
disparaît pour 150 ans.
- Le franc d'argent et ses divisions
- Il faut attendre 1575 pour qu'Henri III (1574-1589)
crée un franc d'argent, appelé "franc blanc", avec, comme Charles V
(1364-1380), l'ambition de faire correspondre monnaie de compte et
monnaie réelle. Mais une déclaration royale en interdit la frappe
dès 1586 : cette belle pièce, lourde de 14 grammes, est trop souvent
rognée ! L'écu d'or au soleil, valant trois livres, devient alors la
principale unité monétaire du royaume. Ne subsistent du franc que
ses divisions : les demis et quarts de franc, frappés très
irrégulièrement mais peu utilisés sous Henri IV (1589-1610). Après
la profonde réforme monétaire engagée à la fin du règne de Louis
XIII (1610-1643) qui crée le louis d'or, les derniers demis et
quarts de franc sont frappés en 1641. Ils disparaissent au profit
des séries fondées sur l'écu d'argent et il n'est plus émis de
pièces libellées en "franc" jusqu'en 1793.
- Le système louis-écu-liard
- La monnaie du Grand Siècle et des Lumières repose sur
le système louis-écu-liard. Diverses monnaies françaises et
étrangères circulent en France lorsque Louis XIII décide de réformer
le système monétaire en 1640. Grâce à l'afflux de l'or espagnol (le
pistol) et au décri des espèces anciennes, le roi peut frapper une
belle pièce d'or à laquelle il donne son prénom : le louis d'or. Le
louis d'argent qui en découle est appelé "écu". À partir de 1656, ce
système homogène est complété par la monnaie de cuivre appelée
"liard" (3 deniers tournois), les doubles deniers et deniers de
cuivre n'étant plus frappés. Ce système perdure globalement jusqu'à
la Révolution.
- Après avoir totalement disparu du système monétaire
français pendant plus de 150 ans, le franc revient à l'avant de la
scène en 1793, dans le contexte de crise économique et politique de
la Révolution.
Le système monétaire français repose sur deux
principales espèces stables depuis 1726 : le louis d'or et l'écu
d'argent. Mais dès 1783, la situation générale du royaume et
l'endettement de la monarchie sont tels que les pièces ne
parviennent plus guère au trésor royal. En 1789, la Révolution, par
l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, hérite des dettes de la
monarchie : environ cinq milliards de livres, auxquelles s'ajoutent
des intérêts, fixés à des taux particulièrement élevés !
- Recours au papier-monnaie
- Pour pallier la pénurie d'espèces, la Convention
recourt au papier, d'abord sous forme de billets d'escompte, puis
d'assignats gagés sur les biens nationaux, confisqués à l'Église.
Mais les coupures sont trop grosses. Le problème de la petite
monnaie courante reste entier. Comme les réserves métalliques sont
inexistantes, vaisselle et objets précieux sont requis. On fait
d'abord appel au don, puis à une contribution patriotique. L'armée
et la marine fournissent du cuivre. Les cloches des églises sont
fondues. Mais la thésaurisation du métal se poursuit, la monnaie
métallique ne circule toujours pas. L'Assemblée se résout à
multiplier les émissions d'assignats. L'inflation est telle que les
prix sont exprimés aussi bien en métal qu'en papier. En 1793, le
gouvernement tente d'assainir la situation par un emprunt forcé,
puis volontaire. Le métal précieux est recherché et confisqué par
les autorités pour soutenir l'assignat ; la guillotine menace les
récalcitrants. La Terreur s'exerce aussi dans le domaine monétaire
jusqu'à la chute de Robespierre.
- Un franc décimal
- C'est à cette même époque que, dans un souci global
de rationalisation, le système duodécimal (basé sur la douzaine) est
abandonné au profit du système décimal (basé sur la dizaine). La
livre est donc divisée en 10 décimes, le décime en 10 centimes. Bien
que la production de pièces en métal précieux cesse à cause du cours
forcé de l'assignat, la Convention redéfinit théoriquement la
monnaie de la République en terme d'or et d'argent à 9/10 de métal
fin. La pièce d'argent est dénommée la "Républicaine", celle d'or le
"franc d'or". Paradoxalement, alors que l'inflation s'amplifie et
que le flot d'assignats atteint 2 milliards début 1795, la
Convention poursuit patiemment son travail normatif. La loi du 15
août 1795 définit le franc, divisé en 10 décimes de 10 centimes
chacun, comme étant l'unité monétaire officielle de la République,
plutôt que le louis d'or qui porte le prénom du roi déchu.
Entré en fonction le 26 octobre 1795, le Directoire, devant le
nouvel échec du papier-monnaie dans l'expérience du mandat
territorial, établit un change de 5 livres, 1 sou et 3 deniers pour
5 francs afin de rétablir une circulation plus intense des espèces
métalliques. Cela, accompagné d'une avantageuse refonte des monnaies
divisionnaires et un afflux de métal venant d'Italie après la
campagne de Bonaparte, permit à la circulation de monnaie métallique
de subsister jusqu'à l'abolition du cours forcé du papier-monnaie,
le 4 février 1797.
-Le franc germinal
- En 1803, le consul Bonaparte engage une réforme qui
vise à mettre fin à l'anarchie de la circulation monétaire où se
côtoient écus, louis d'or et pièces révolutionnaires de divers
métaux. Les lois de germinal an XI fixent le système monétaire sur
la base d'un franc d'argent dit "franc germinal".
Afin de supplanter l'ancien louis d'or royal encore en circulation,
une pièce en or de 20 francs - le fameux "napoléon" - et une de
40 francs viennent compléter les monnaies d'argent de 5, 2 et 1
franc : sont frappés pour 500 millions en or et près de 900 millions
en argent. C'est pourtant insuffisant. Le recours au papier-monnaie
s'impose à nouveau, mais son émission est confiée à la Banque de
France, récemment créée avec une réserve métallique permettant d'en
maintenir le cours.
Dans ce contexte monétaire assaini, la nouvelle monnaie fiduciaire
est mieux acceptée et prend progressivement son essor. Le franc
germinal se révèle être une réussite. Il reste relativement stable
malgré la valse des régimes politiques et perdure jusqu'en 1914.
- La monnaie commune d'une partie de l'Europe
- Vers 1850, d'importantes mines d'or sont découvertes
en Californie et en Australie. Le stock d'argent restant stable, le
système bimétallique de germinal se trouve perturbé. Plusieurs pays
abaissent le titre de leurs pièces d'argent de 900/1000 à 835/1000,
ce qui entraîne l'exportation des pièces françaises au titre
inchangé. À la faveur de l'Exposition universelle de 1865, la France
organise une conférence monétaire réunissant la Belgique, l'Italie,
la Suisse, et bientôt la Grèce. De la Convention de Paris conclue le
23 décembre naît l'Union latine, première organisation monétaire
internationale. Son principe repose sur l'uniformité monétaire des
États membres. Les monnaies d'or de 100, 50, 20, 10 et 5 francs
titrent à 900/1000. La pièce d'argent de 5 francs titre à 900/1000,
celles de 2 et 1 francs, de 50 et 20 centimes titrent à 835/1000. Le
montant des émissions est plafonné proportionnellement à la
population des pays membres.
En 1867, Napoléon III convoque une nouvelle conférence monétaire
réunissant cette fois une vingtaine d'États. Le principe de l'étalon
or est choisi avec comme référence la pièce de 5 francs or. La
convention de Vienne adopte le franc comme unité pour
l'établissement des comptes internationaux en 1868 : le franc
germinal est devenu la monnaie commune d'une partie de l'Europe .Depuis 1865, le franc est une monnaie de référence
commune à une partie de l'Europe. Il a traversé sans encombre six
régimes politiques, la guerre de 1870 et la Commune. Mais la Grande
Guerre eut raison du modèle monétaire français, fondé sur le franc
germinal et le franc-or.
- Le franc germinal emporté par la Grande Guerre
- Dès 1911, après la crise franco-allemande d'Agadir,
le conflit avec l'Allemagne semble inévitable. Les deux
protagonistes s'y préparent activement, autant militairement que
financièrement. Disposant d'instructions très précises, la Banque de
France parvient à soutenir le franc dans un premier temps. Mais les
avances accordées au Trésor l'obligent à faire fonctionner la
planche à billets, entraînant dépréciation et inflation. Plutôt que
de lever un impôt - la population est déjà grandement mobilisée -,
le gouvernement recourt à l'emprunt d'État et au crédit anglais et
américain. D'après les estimations, la Grande Guerre aurait coûté
quelque 200 milliards à la France, dont 80 % financés à crédit avec
la certitude que "le boche paiera". Mais l'effondrement économique
de la république de Weimar et l'anéantissement total du mark
(1922-1923) mettent fin aux dernières illusions françaises. Par peur
des conséquences politiques et sociales, les pays anglo-saxons
soutiennent le redressement monétaire allemand. Ils désavouent
l'occupation française de la Ruhr et imposent à la France de revoir
ses prétentions à la baisse, sans lui faire grâce de ses propres
dettes.
- Poincaré dévalue et stabilise le franc
- Dès 1919, l'Angleterre et les États-Unis suspendent
leur crédit et présentent leurs créances. Les marchés des changes
réagissent sans tarder : le franc s'effondre à Londres et fait
l'objet de toutes les spéculations. La victoire du Cartel des
gauches aux élections législatives de mai 1924 accélère encore sa
chute : la spéculation ("le mur d'argent") redouble contre les
projets d'impôt sur le capital, les épargnants perdent confiance,
l'opinion s'affole face à ce qu'elle considère être un complot
international. La banqueroute menace l'État. En 1928, le Parlement
rappelle Raymond Poincaré au pouvoir. L'annonce même de son retour
stabilise le franc. S'il n'a pas de remède miracle, "Poincaré-la-confiance"
est bien l'homme de la situation. Il utilise les faveurs de
l'opinion pour imposer, bien qu'il lui en coûte, la dévaluation
contre la déflation. Le 25 juin, Poincaré entérine la mort du franc
germinal en redéfinissant l'unité monétaire au cinquième de sa
valeur d'origine, c'est-à-dire en le dévaluant de 80 %. Ce "franc à
quatre sous" - dans la conscience populaire le franc vaut encore
20 sous - repose sur l'or, librement convertible… contre un montant
minimal de 215 000 F, soit l'équivalent d'un lingot d'or de 12 kilos
!
- Deux coups fatals : la crise des années 1930 et
l'occupation allemande
- La stabilisation ne dura pas 10 ans. La grande crise
des années 1930 engendre les dévaluations en chaîne de la livre
sterling, du dollar et du yen. Mais au lieu de dévaluer, la France
s'engage dans une fuite en avant déflationniste. Le franc se trouve
surévalué face aux autres monnaies dépréciées. Les exportations
françaises s'effondrent. Il faut attendre le Front populaire pour
que le franc soit à son tour dévalué : entre 1936 et 1940, il perdra
près des 2/3 de sa valeur.
À la France vaincue en 1940, l'Allemagne impose un taux de change
exorbitant (1 reichsmark = 20 francs) qui permet à l'occupant de
piller le pays. En outre, le gouvernement doit verser 400 millions
de francs quotidiens au titre des frais d'occupation. Dans les
territoires d'outremer, un "franc libre" existe face au "franc de
Vichy", qui n'a "pas plus de valeur qu'un certain papier réservé à
un certain usage", affirme le maréchal Goering.
- Le franc mis sous tutelle
- À la Libération, le gouvernement
provisoire lance un emprunt pour juguler l'inflation provoquée par
les années de guerre et l'occupation allemande. Le général de Gaulle
refuse d'appliquer une politique de rigueur comme le lui conseille
Pierre Mendès-France. L'inflation alors se développe et le franc
poursuit sa dépréciation au cours de la IVRépublique,
ruinée par les guerres d'indépendance.
Depuis décembre 1945, la France adhère au nouveau système monétaire
international. Défini par les accords de Bretton-Woods (22 juillet
1944), le SMI est fondé sur le double étalon or et dollar. Celui-ci
vaut 50 francs en 1944 et… 420 en 1958 ! Le franc est alors placé
sous la tutelle du Fonds monétaire international. Une réforme
monétaire de grande envergure s'impose : ce sera le "nouveau franc".Malmené
par de nombreuses dévaluations, mis sous la tutelle du Fonds
monétaire international en 1958, le franc donne naissance le 1 janvier 1960 au franc de Gaulle ou "nouveau franc".
Dernier avatar d'une histoire longue de 700 ans, la mort du nouveau
franc est annoncée pour le 17 février 2002.
- De Gaulle engage une grande réforme monétaire
- Revenu au pouvoir en 1958, le général de Gaulle
décide de procéder à une nouvelle dévaluation (17,55 %) et annonce
la création d'un "franc lourd" qu'il confie à son ministre des
Finances, Antoine Pinay, et à l'économiste Jacques Rueff. Le
"nouveau franc" est mis en circulation dix-huit mois plus tard : il
vaut 100 anciens francs. Représentant la semeuse coiffée du bonnet
phrygien, les nouvelles pièces rappellent le franc d'avant 1914. De
Gaulle veut en effet que ce nouveau franc - redevenu officiellement
le franc en 1963 - soit synonyme de stabilité et de puissance.
Mais depuis 1979, la politique monétaire de la France est inscrite
dans le cadre de la construction européenne, au sein d'un système
monétaire européen (SME) marquée par une série de dévaluations du
franc, notamment au début des années 1980. Dans la perspective de la
construction européenne, les socialistes se convertissent à
l'idéologie d'un franc fort accroché au mark.
- La mort annoncée du franc
- Adopté le 10 décembre 1991 et ratifié en France par
référendum le 20 septembre 1992, le traité de Maastricht prévoit
l'unité monétaire de l'Europe, accompagnée de la mise en circulation
d'une nouvelle monnaie commune. L'ECU (European currency unit), nom
de l'unité de compte européenne existante, est abandonné sous la
pression allemande, favorable à la dénomination d'"euro". C'est donc
l'"euro" qui se substitue définitivement au franc le 17 février
2002. Le nouveau franc n'aura vécu que 44 ans !